Mystical Mississippi
A la relecture, je dois m'incliner et admettre que morgue et amertume sont perfidement distillées dans mes articles depuis quelques jours. Pour en rassurer quelques uns, j'ai décidé, à partir de maintenant, d’y aller mollo sur les injures et autres débilités et de me concentrer sur des textes 100% positives vibrations. Pour regagner votre estime, je m'attelle promptement à la création du nouvel album photos relatant mon merveilleux séjour au Mississippi.
Potts Camp, Mississippi. 494 habitants. Quelque soit sa race, sa religion, son âge ou son sexe, chacun de ces habitants vous adressera un jovial « how’re you doing ? » ou un timide "Hi" s'il croise votre regard. Au début, ça fait un choc, mais une fois la surprise passée, c'est une coutume simple et agréable à laquelle il fait bon se plier. Le hugh (abraso pour les hispaniques), pratiqué ici en maintes occasions, est lui aussi une coutume fort plaisante. Contrairement aux idées reçues, je n'ai perçu aucun sentiment anti-francais, au contraire, ouvert d'esprit et facile à aborder, le mississippien se montre intéressé par la France et converse très facilement et longuement sur le sujet. Le local, quand à lui, n'hésite pas à me faire répéter trois fois ma phrase introductive pour m'avouer ensuite "I looooove your french accent !", s'ensuit un regard langoureux que les trente ans qui nous séparent m'oblige à fuir précipitamment. En bref sur le plan humain aussi, les USA sont World Number One (bon, excepté pour cette personne...).
La faune est d'une richesse fascinante (rappelez-moi d'y consacrer un article futur) et foisonne au point d'être présente jusqu'au cœur de la ville. Les arbres morts, peuplés de buzzards, sont un spectacle de proximité, les écureuils vous mangent dans la main, les cardinaux rouges vous toisent tout conscients qu'ils sont du pouvoir attractif de leur robe écarlate, les mouffettes se reposent dans votre jardin, les opossums zonent autour des poubelles guettant du coin de l'œil les ratons laveurs jamais très loin. J'oublie bien sûr un bon paquet de bestioles en tout genre et omets lâchement ceux dont l'identité m'est mystérieuse.
Pour résumer, on a ici des gens qui se soucient sincèrement du bien-être de leur voisin et qui vivent dans un site naturel exceptionnel, peuplé de créatures fabuleuses, tapis au cœur de forêts somptueuses et de lacs innombrables, où le climat estival permanent vous oblige à jouir de la fraîcheur de leurs eaux.
Mais parlons plus sérieusement du Silver Ash Ranch : je suis arrivée dans une ferme particulière.
Hilary, artiste peintre avertie, possède une petite centaine d’hectare de terrain, héritée de sa famille. Ne sachant que faire de la gigantesque propriété et n’ayant aucunes connaissances en matière d’agriculture et d’élevage, elle décide de passer une annonce afin de trouver un fermier locataire qui voudrait bien « sortir quelque chose de cette terre ».
De son côté, Brad est un pêcheur chevronné dans le Golfe du Mexique et habite au bord de la mer sur la côte ouest de la Floride avec Jodi et leur petite fille de presque 2 ans, Willow. Vous êtes tous au courant de la désastreuse catastrophe, la marée noire la plus importante de l’Histoire, causée par le naufrage de la plate-forme Deepwater Horizons au large des côtes de la Louisiane. D’énormes quantités de dispersants ont été déversées sur la nappe en surface. Le produit utilisé n’a pas été testé en laboratoire, il a même déjà été interdit au Royaume-Uni (et il a été présenté comme soi-disant biodégradable !). Ce foutu liquide, en plus d’agréger les particules de pétrole entre elles en profondeur formant ainsi un nuage toxique de plus de 300 kilomètres de long sous les eaux du Golfe du Mexique, est un poison pour la faune et la flore marine. BP a subtilement choisi l’option « double pollution invisible », plutôt que « marée noire visible », afin de ne pas renoircir son image. Brad a donc tout simplement perdu son boulot, trouvant dans son filet essentiellement des poissons à moitié vivant. Plusieurs pêcheurs de sa région se sont suicidés après l’évènement... Brad a alors préféré quitter cet environnement pollué, pour élever leur petite fille et commencer un nouveau départ. Les voilà donc arrivés depuis 2 mois au Mississippi !
Pour résumer mes 3 semaines au ranch : J’ai entretenu et récolté les légumes du petit potager familial (navet, carotte, salade, radis, chou frisé, chou pomme, ...), j’ai nourri les 10 poules et nettoyé le poulailler, j’ai monté et réhabitué Rabbit à la prise en main, j’ai câliné les petits veaux, j’ai débroussaillé le terrain en déracinant tout les SweetGums invasifs, j’ai construit un abri pour les cochons, j’ai designé le contenant à maïs, j’ai karsherisé la maison, j’ai monté et poncé des étagères, j’ai fauché des mauvaises herbes.
Et quand on ne travaillait pas, on pêchait d’énormes poissons chats qu’on faisait frire, on allait écouter des concerts de Blues à Holly Springs, Oxford et Memphis, on allait voir des foires fermières et comparer le prix des poules, moutons et cochons, je cuisinais des recettes françaises (Hachis Parmentier, tarte à l’oignon, crème patissière) et Brad nous préparait de la bonne Southern Cuisine (CornBread, SweetTea, FriedChicken, FriedGreenTomatoes, Catfish) , on se purifiait dans la SweatLodge (les ancêtres de Brad appartiennent à une ancienne tribu Sioux : les Lakotas. La SweatLodge est basé sur le même principe que les hammams suédois) … La belle vie au Mississippi !