Vilain Opossum

          Un peu loin de l'image d'Epinal de la petite famille opossum pendue par la queue à la branche d'un arbre bienveillant, non ? Soyons clairs, cette pourriture de bestiole ressemble a s'y méprendre au fruit improbable des amours entre un vampire et un Khmer Rouge. C'est un impitoyable prédateur opportuniste, vicieux et méchant comme pas deux, seul un obscur instinct de conservation empêche l'opossum de dévorer sa progéniture, mais ce n'est pas l'envie qui lui manque.

 
          J'ai rien contre cet animal démoniaque mais quand même, je me sens très proche des néo-zélandais depuis que j'ai découvert que : " L'opossum est considéré en Nouvelle-Zélande comme un animal très nuisible et sa chasse est un sport national. Tout Néo-zélandais qui se respecte se doit de tuer le plus d'opossums possible. Sur les routes, chaque nuit, des centaines d'opossums sont écrasés, car lorsqu'une voiture arrive plein phares, l'animal au lieu de fuir se dresse sur ses pattes arrières pour voir ce qui arrive. Une autre mode - et un sommet du "bon goût" en Nouvelle-Zélande depuis les années 1990 - est la vente de peluches scratched possum qui représentent un opossum aplati avec une trace de pneu. " (source : Wikipédia). AHAHA VENGEANCE !!!

Oui, bon, si je crie vengeance c'est que j'ai récemment fait une rencontre avec un opossum et que, au final, c'est une nouvelle humiliation qui vient s'ajouter à une liste plus longue que je ne vous l'avouerai.

 

           Austin, Texas. J'étais tranquillement installée sous le porche de mon amie Emily à savourer le calme d'une soirée prometteuse, qu'un bruit étrange à proximité des poubelles me tira soudain de ma rêverie. C'était un opossum reniflant les restes de notre savoureux dîner. Amusée par la crainte absurde que le bruit de cet innocent pillage m'avait l'espace d'un  instant fait ressentir, je fouillais mes poches à la recherche de cacahuètes (oui, j'ai des cacahuètes dans mes poches). C'est à ce moment précis que l'Immonde leva  la tête vers moi et qu'une terreur froide me paralysa.

- Ce truc n'est pas humain.

- Bien sur que non, t’es con, c'est un opossum, ressaisis-toi bon dieu ou il va te sauter a la gueule.

N'écoutant que ma conscience (parfois un peu dure avec moi, mais passons), je lançais un caillou en direction de la chose et d'une voix de stentor lui assenais : " I'm gonna kill you if you don’t get out, bitch !!! ". A croire que le rat sous stéroïdes comprenait l'anglais littéraire, sans cesser de me fixer de ses petits yeux morts et sournois, il se dressa sur ses pattes arrières, gonfla démesurément son pelage et ouvrit la gueule pour émettre un son tout droit sorti d'un bruitage de "l'exorciste", en même temps qu'un crachat que j'imaginais mortel. Puis, ce répugnant petit salop passa directement de la phase d'intimidation à la phase d'attaque en amorçant une course grotesque plein cap vers sa cible : Votre humble narratrice mes chers amis. Sentant son haleine dans mon dos et préparant mes mollets à l'inévitable morsure, je franchis les 15 mètres me séparant de la porte à mach 4.

- What’s wrong Tcharly ? Did you run ?s'enquit Emily.

- Don’t ask questions… for your safety.

          Je dois toutefois vous faire un aveu, les seuls opossums que j’avais croisés le jour de ma rencontre funeste décrite plus haut, étaient en deux dimensions aplatis sur le bas-côté d’une autoroute quelconque. C’est donc sans connaître quoi que ce soit sur ce noble animal des forêts de mon nouveau pays que je déversais sur lui mon trop plein de sarcasmes et de haine. Je me suis vraiment comportée comme une merde avec cet animal.

- Je regrette, petit animal des forêts, je n’ai pas été très gentil avec toi.

- Te casse pas le cul Charlie, c’est oublié, de toute façon, j’sais même pas lire.

Ce sympathique marsupial est une petite boule de tendresse et de douceur.

Si j’exprime ici des regrets, c’est qu’il m'est arrivée une chose incroyable deux jours après. Je savourais paisiblement les 14° Celsius de cette fraîche nuit en tentant, tout a la fois, de finir mon thé à la camomille, de me réchauffer en me frictionnant et de comprendre d'ou provenait la sensation d'humidité sous ma chaussette gauche, quand, un bruit timide et régulier de pas d'enfant me fit tourner la tête vers le coin est de la façade. Troublée par la subtile atmosphère d'Halloween, je m'attends l'espace d'un instant à voir débouler les jumelles mortes de Shinning. Ben, figure toi ami lecteur, qu'en fait, c'était pas du tout les jumelles mortes de Shinning, c'était bien pire.

Mon cerveau engourdi par le froid a mis 5 secondes à réaliser que je faisais face à mon pire cauchemar : L'Opossum Sauvage du Texas. Le temps de sentir le sang dans mon visage refluer vers mon scrotum que j'actionnais déjà la poignée de la porte d'entrée, mue par une panique blanche. Pour la deuxième fois en communication inter-espèces (voir cet article) (ce voyage a du bon !), la bête m’a parlé :

- C'est toi qui fais des doubles nœuds aux sacs poubelles?

Puis elle a fait demi-tour, en trottinant rapidement vers le fond du backyard.

Après ce moment unique, je me ruais dans la maison, bien décidé à faire partager cette expérience intense avec Emily, et après m'être débarrassé du cadavre de limace collé sous ma chaussette gauche, je buvais mon dernier thé à la camomille dans l’univers texan.